Les marchés émergents à l’épreuve du coronavirus
17/04/2020
Dans les crises, qu’elle qu’en soit l’origine ou l’intensité, les flux de capitaux réagissent bien en amont du risque économique et financier.
Ces derniers migrent des actifs les plus risqués vers ceux qui le sont moins. Et ce nouvel épisode n’a non seulement pas dérogé à ce « réflexe pavlovien » mais son intensité exceptionnelle n’a d’égale que la violence du choc.
Ainsi les flux des pays émergents ont-ils subi en quelques semaines un assèchement d’un niveau jamais enregistré auparavant. Les sorties nettes de portefeuilles s’élèvent à plus de 100 Mds $ depuis janvier 2020 et à près de 83 Mds $ sur le seul mois de mars. C’est l’équivalent de 11% des flux d’entrées de l’année 2019. L’importance de ces retraits tient sans conteste à l’épidémie de Covid 19 qui se cumule à la chute du prix du pétrole, point d’ancrage pour une part significative des flux financiers vers les pays producteurs. Ces mouvements sont avant tout concentrés sur les portefeuilles d’actions qui payent le plus lourd tribut à ces désengagements.
Ces arbitrages brutaux ne sont pas sans conséquence pour ces pays qui captent les surplus de l’épargne mondiale afin de maintenir leurs équilibres financiers parfois précaires. Ainsi, ceux dont les balances courantes sont particulièrement déficitaires vont-ils rencontrer de nouvelles difficultés de financement. Et, si au cours de la dernière décennie, ils ont eu à coeur de renforcer leurs réserves de change, ces dernières ne suffiront probablement pas pour couvrir leurs besoins et soutenir leurs monnaies. C’est le cas de l’Afrique du Sud mais aussi de la Turquie ou de la Tunisie, sans parler de l’Argentine dont la situation s’est dégradée bien avant la pandémie. Conjointement, les inquiétudes sur leur capacité à attirer de nouveaux capitaux ont accentué la dépréciation de leur monnaie, et par voie de conséquence, renchéri la valeur en monnaie locale de leur dette extérieure. Ce sont aussi ces mêmes pays qui, par contrainte plus que par choix, ont financé leurs soldes extérieurs par la dette à court terme.
En l’absence d’une épargne domestique suffisante, Le développement des marchés financiers internationaux a été l’occasion pour nombre de pays émergents de multiplier les sources de financement externe. Au-delà des investissements directs, plus stables dans le temps mais souvent concentrés sur les pays qui ont une exposition à l’exploitation des matières premières, ils ont, depuis le début de la décennie, eu recours à la dette de marché. Elle est venue compléter une dette privée bancaire qui s’est progressivement substituée aux financements apportés dans le cadre d’accords avec les grands organismes internationaux. Ces outils, plus accessibles sont aussi plus volatils, ajoutant, en ce temps de crise, une instabilité financière à un contexte économique et sanitaire difficile.
C’ ‘est pourquoi depuis quelques semaines déjà, des chefs d’état ou les représentants d’organismes internationaux appellent à des moratoires ou des remises de dettes pour les plus fragiles d’entre eux. Pour les autres, la coopération multilatérale est cruciale. L’accès indispensable aux devises fortes et au dollar en particulier a été assoupli, rassurant les investisseurs, mais la dispersion des créanciers et leurs exigences devraient compliquer quelque peu les réponses apportées.
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