Episode 3 - A quoi donc servent les Banques Centrales ?
14/05/2020
Non contentes de faire la politique monétaire et d'influencer les marchés financiers, les Banques Centrales interviennent aussi sur tous les marchés de titres de dettes, avec des implications fortes sur les taux d'intérêts, et sur le financement des déficits, les déficits publics surtout.
4 – Assouplissement quantitatif : vers l’infini, et au-delà
- Les Banques Centrales font aussi maintenant bien plus encore que la politique monétaire et influencer les marchés (cf le chapitre précédent) puisqu’elles soutiennent à présent les économies elles-mêmes en rachetant des titres de dettes de toutes sortes : emprunts émis par les Etats ou par de grandes institutions supranationales, obligations d’entreprises, titrisations diverses et variées, obligations sécurisées (adossées à des actifs) émises par les banques, etc…autant d’interventions de politique monétaire “non conventionnelle” auxquelles on a donné le doux nom de “QE” pour “Quantitative Easing”, traduit en bon français par “assouplissement quantitatif”. Ce qui, pour dire les choses comme elles sont, revient à manipuler les taux d’intérêts à long terme en utilisant la planche à billet.
De fait : i) le taux de rendement des obligations évoluant exactement en sens inverse de leur prix, tirer ces prix vers le haut avec des achats massifs sur le marché obligataire fait baisser d’autant les taux de rendement à long-terme qui servent de référence, et fait baisser d’autant les coûts des emprunts placés par la suite par les entreprises, les banques, etc… qui émettent sur le marché obligataire, ce qui, en soi, n’est pas un mal, et ii) racheter des titres de créances à des institutions qui en ont trop, comme par exemple les banques qui ont trop prêté, et aussi mal prêté, permet de leur redonner de la liquidité. Voire dans les cas extrêmes d’éviter des faillites désagréables pour tout le monde, surtout si celles-ci mettent en danger le système bancaire, qui est la base de tout, on l’a bien compris.
Une idée brillante, donc, rendue possible par le fait que la création monétaire n’a aucune limite, et que personne ne s’intéresse vraiment à la taille du bilan d’une Banque Centrale, qui ne peut qu’augmenter très fortement avec un programme de QE : fin 2019, il y avait 250 milliards d’euros de titres détenus à des fins de politique monétaire à l’actif de la BCE, sur un total de bilan de 457 milliards d’euros. Et une idée qui a bien servi pour sortir de la crise bancaire globale des années 2007-2008, même si on lui prête aussi des conséquences non intentionnelles comme la création d’une bulle spéculative immobilière, et le sur-enrichissement sans cause des déjà super-riches, ce qui a pu en agacer certains.
- Fait important à noter, la création massive de monnaie qui a accompagné les différents QE lancés par la Fed, la BCE, etc… n’a pas déclenché de retour de l’inflation, en tous cas pas dans les prix à la consommation, ce que beaucoup craignaient pourtant en toute logique. Un phénomène qui reste un peu inexplicable (ce dont les économistes ne se vantent pas trop, d’ailleurs) et qui a incité à passer à la vitesse supérieure ces derniers temps pour enrayer la spirale récessionniste, voire dépressionnaire, dans laquelle la crise sanitaire actuelle du coronavirus semble entraîner les économies développées. De fait, la Fed de M. Powell a annoncé un programme colossal, 2 300 milliards de dollars en tout, pour reprendre aux banques commerciales les prêts d’urgence qu’elles feront aux PME, reprendre aussi les obligations émises par les villes pour financer leurs plans d’aide, et reprendre enfin les titrisations des organismes qui refinancent l’immobilier résidentiel, secteur où on s’attend à une forte hausse des défauts. Et la BCE de Mme Lagarde n’est pas vraiment en reste avec son PEPP (pour Pandemic Emergency Purchase Program) de 750 milliards d’euros, qui doit faire à peu près la même chose en Europe.
- c) Ceci alors que les Banques Centrales rachètent aussi des dettes souveraines, les obligations émises par les gouvernements, Treasury Bonds américains, OAT françaises etc…, toujours en faisant fonctionner la planche à billets et financent donc de plus en plus les déficits budgétaires des Etats, qui se creusent grandement en ce moment pour freiner voire déjouer la crise économique.
En achetant de plus systématiquement les emprunts d’Etats à l’émission à présent, des Banques Centrales, notamment la Fed et la Bank of England financent les déficits publics directement par création monétaire et pratiquent de fait ce fameux “helicopter money” dont on débat encore un peu partout dans les hautes sphères et ailleurs. Avec à la clé la création d’une dette perpétuelle des Etats si les nouveaux emprunts remplacent en permanence ceux qui arrivent à échéance, et donc d’une dette qui ne compte plus puisqu’elle n’est jamais remboursée, et qui ne coûte pas grand chose, puisque les Banques Centrales reversent leurs profits aux Etats. C’est en tout cas ce que dit la théorie économique, et on est bien obligé de la croire.
5 – La vraie mission d’une Banque Centrale : coffre-fort national
Nous avons gardé le meilleur pour la fin : une Banque Centrale sert aussi de coffre-fort national, puisqu’elle détient i) les réserves de change d’un pays : les avoirs en devises qui serviront à payer les déficits extérieurs quand il y en a, et à intervenir éventuellement sur le marché des changes, et aussi et surtout, ii) ses réserves d’or entreposées dans ses sous-sols (blindés). Bien évidemment, c’est à la Banque de France, et non pas à la BCE que revient cette mission suprême pour le compte du Peuple Français : conserver en lieu sûr sa meilleure poire pour la soif.
De fait, et aux dernières nouvelles (le rapport annuel 2018), la Banque de France détenait l’équivalent de 49 milliards d’euros en devises, principalement des dollars US, ainsi que 2 436 tonnes d’or dans les caves de son principal établissement (1 rue de la Vrillière 75001 Paris), comptées pour près de 88 milliards d’euros dans son bilan.
Donc, oui : une Banque Centrale sert vraiment à quelque chose.
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