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La crise du Covid-19 peut-elle amener des changements positifs ?

By Jérôme LIEURY

15/04/2020

Oui, bien sûr, puisque c'est hélas ! Dans les crises que les choses changent souvent le plus, et pour le mieux.

On peut donc commencer à dresser une liste des choses qui peuvent changer en bien dans notre environnement économique (et qui en ont éventuellement bien besoin quoiqu’on en dise) :

  • la plus évidente, puisque c’est le grand sujet du moment, est bien sûr : relocaliser, ramener en France ou en Europe des productions industrielles parties au loin. Pour d’obscurs raisonnements sur les prix de revient, raisonnements sous-tendus éventuellement par la volonté d’importer de la déflation dans le panier de la ménagère. D’autant qu’on a fini par jeter le bébé avec l’eau du bain puisque nous avons perdu la maîtrise de productions stratégiques comme les médicaments (sans parler de produits manufacturés simples comme les masques ou nombre de composants électroniques, notamment ceux des équipements télécoms. Une question (déjà traitée dans le Flash Daily n°3 du 25 mars) dont la réponse est : réindustrialisation. Laquelle pourrait, qui plus est, faire de l’industrie le secteur de l’économie le plus porteur ces prochaines années, autrement dit “the place to be”, qu’on se le dise.
  • et pour être plus précis, on se rend vraiment compte avec cette crise de ce que l’on savait déjà depuis longtemps : l’industrie pharmaceutique européenne ne fabrique plus, et ne développe plus, d’antibiotiques et d’antiviraux propres à combattre les épidémies. Parce que de tels produits de pharmacie chimique se vendront inévitablement à des prix unitaires faibles, alors que les traitements à base de biotech contre les cancers et les maladies chroniques sont très chers à l’unité et tout aussi rentables, voire plus. A en juger d’après les marges élevées et la génération de trésorerie libre qui caractérisent les grands laboratoires côtés, et qui n’ont pas grand-chose à envier à celles du secteur du Luxe. Trésorerie qui devrait financer sans problème la reconstruction de capacités de production et de recherche implantées à proximité du client final : l’Européen moyen. Ceci surtout si les pouvoirs publics, qui sont parties prenantes dans l’affaire, et ont des comptes à rendre dans le domaine de la santé, les y invitent aimablement.
  • avec le confinement et le télétravail, la fiabilité des réseaux télécoms est plus que jamais un sujet. Des réseaux qui sont en grande partie utilisés à peu de frais par Google, Facebook, Apple, pour leur plus grand profit, et, depuis peu, par les éditeurs de vidéo à la demande qui diffusent en streaming, le plus emblématique étant Netflix. Tous utilisant énormément de capacités, de bande passante, sans vraiment rémunérer les réseaux des opérateurs, grâce à la technologie du streaming dit “OTT”, pour “Over The Top”, et tout ça au nom de la sacro-sainte “neutralité du net”. Ce qui peut paraître excessif, si l’on songe que les opérateurs “historiques” comme Orange investissent beaucoup dans leurs réseaux, et ne dégagent pas toujours assez de free cash-flow pour bien financer leurs dividendes, alors que les Gafa et autres Net Cos génèrent des montagnes de liquidités apparemment sans grands efforts. En d’autres termes, on tient avec le coronavirus une bonne raison de revenir sur un grand principe qui a fait son temps, c’est évident aussi.
  • comme les marchés d’actions, les marchés d’obligations sont vitaux pour les économies développées. Mais, contrairement aux marchés d’actions, il n’y a pas de marchés dit “organisés”, centralisés, régis par une autorité, pour les obligations. Ou, plutôt, il n’y en a plus : les obligations ont été sorties des bourses de valeurs dans les années 1980, pour n’être plus traitées que sur des marchés de gré à gré entre investisseurs et négociants ou “market makers”. Lesquels sont avant tout les grandes banques, puisqu’un de leurs grands métiers traditionnels est de fait d’aider les institutions et les entreprises à émettre ces obligations, et à les placer auprès des investisseurs. Ce système a sûrement beaucoup d’avantages, mais il a aussi un gros inconvénient : il n’y a plus personne quand les marchés baissent fortement, autrement dit plus de liquidité, ce qui est pourtant la principale raison d’être d’un marché digne de ce nom. Et c’est encore arrivé ce mois de mars 2020, avec des ventes de fonds obligataires qui enregistraient des sorties massives de clients paniqués, ce qui s’est traduit in fine par des valorisations très faibles, et donc des rendements anormalement élevés d’obligations allant jusqu’à coter la moitié seulement de leurs valeurs de remboursement pour des échéances rapprochées. Soit une situation dénuée de sens aussi, alors que les marchés sont censés fabriquer de l’information, puisque les anticipations des uns et des autres sont censées s’y confronter, et qui peut faire dire que ré-instituer des marchés organisés pour les titres de créances, des Bourses pour les obligations, serait loin d’être un luxe.
  • et d’autant moins un luxe que les marchés obligataires, et notamment le plus large d’entre eux : le marché des obligations du Trésor US, peuvent paraître distordus par une spéculation effrénée, dont la conséquence est des taux trop bas voire négatifs. Alors que de plus le marché manque manifestement d’acteurs, puisque c’est la Fed, la banque centrale américaine, qui fait le market maker ces derniers temps en se positionnant en acheteur de presque tout ce qui se présente : une nationalisation, en quelques sortes, du plus grand marché du monde capitaliste. Quelle ironie ! De fait, on a un peu oublié que les “obligs” sont là pour fabriquer des revenus réguliers sous forme de coupons (et pas vraiment des plus-values) puisque les retraités ont besoin de rentes sûres (et bien méritées dans l’ensemble, il faut le dire). Si donc le balancier repart dans l’autre sens, ce sera pour le mieux, s’il ne va pas trop vite ni trop loin, bien entendu. C’est d’ailleurs bien ce que l’on espère depuis quelques temps, et la crise actuelle pourrait servir aussi à ça : remettre les taux obligataires au bon endroit.
  • et pour en finir avec le marché obligataire, on notera que, dans l’urgence, les deux banques centrales qui nous intéressent le plus : la Fed et surtout la Banque Centrale Européenne, ont décidé de ne pas tenir vraiment compte dans les rachats massifs d’obligations auxquels elles procèdent en ce moment des dégradations de “ratings” que les fameuses agences de notation infligent aux grands émetteurs d’obligations dans cette conjoncture très récessive et incertaine. Des dégradations tout ce qu’il y a de plus logiques, mais qui peuvent alimenter une spirale infernale comme dans la crise bancaire des années 2007-2008, et qui sont donc tout aussi logiquement mises de côtés pour le moment, l’expérience aidant, étant donné leur caractère éminemment “pro-cyclique”. Bref : les grandes agences de rating : Standard & Poor, Fitch et Moodies, pour ne pas les nommer, perdent un peu de leur pouvoir. Ce qui n’est vraisemblablement pas un mal, et pourrait même être considéré un jour comme une des conséquences positives de cette crise : quand les réglementations elles-mêmes incitent les décideurs à se décharger de leurs responsabilités sur des donneurs d’avis externes, des experts qui n’ont par contre que peu ou pas de responsabilité dans les avis qu’ils donnent, ça ne peut que mal se terminer. Et c’est pourtant ce qu’on fait depuis des années.

Bref : cette liste est loin d’être exhaustive, on s’en doute, et passe vraisemblablement à côté de choses autrement plus importantes, mais une chose est sûre : le coronavirus, dans toute son horreur, finira par avoir du bon.

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