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Comment investir dans le café ?

By Jérôme LIEURY

28/05/2020

Le café semble vraiment un segment très rentable du vaste secteur agroalimentaire, mais comment investir dedans ?

Au prix que l’on payait pour une minuscule tasse d’expresso au bout d’un comptoir de brasserie parisienne à la belle époque d’avant le confinement, on pouvait facilement se faire la réflexion suivante : le café semble vraiment un segment très rentable du vaste secteur agroalimentaire, mais comment investir dedans ?

Cette question n’avait jusqu’à cette semaine pas de réponse vraiment satisfaisante, puisqu’on avait le choix entre acheter des actions Starbucks, une chaîne de “coffee shops” bien connue, mais américaine et cotée en US dollar à Wall Street, ce qui peut paraître un peu loin, ou acheter des actions Nestlé cotées à Zurich en Franc Suisse, alors que ce très grand groupe ne réalise que moins d’un quart de son activité dans le café a priori, même s’il en est le premier acteur mondial avec une super marque globale : Nescafé, et la réussite éclatante de Nespresso ces quinze dernières années.

Mais voilà : on introduit en Bourse en ce moment le n°2 du secteur, JDE Peet’s, un groupe basé à Amsterdam, et donc coté en euro sur cette même place, et qui a en plus l’immense mérite de ne faire que du café (ou presque), et donc d’être un véhicule d’investissement “pur” (ou presque), en d’autres termes un “pure player” (pour les fins connaisseurs des marchés financiers) de son secteur. Et un assez grand groupe a priori, avec un chiffre d’affaires total de près de 7 milliards d’euros, plus de 21 000 salariés, une présence dans 100 pays, 50 marques dont beaucoup à fortes notoriétés, non seulement L’Or, Maxwell House, et Senseo en France, mais aussi Jacobs Coffee, Douwe Egberts, Tassimo, Moccona, Kenco, Pickwick et Pilào ailleurs. De fait, le groupe achète en tout environ 10% de la récolte mondiale de café (directement aux fermiers ou aux coopératives, ou auprès du négoce), transforme 650 000 tonnes de grains bon an mal an dans 45 usines implantée dans 25 pays, et vend 85% de sa production à la grande distribution alimentaire : café en grain, café moulu, capsules, café soluble avec une clientèle largement diversifiée en principe, principalement en Europe de l’Ouest (56% des ventes) où les plus gros clients sont Carrefour, Metro, Rewe, ou encore Superunie, aux USA (13%), au Brésil (6%), en Europe de l’Est, et en Asie.

JDE Peet’s vend le reste de son café en produits professionnels pour la restauration hors foyer, l’hôtellerie, les machines à café d’entreprises, etc… et opère aussi que plusieurs petites chaînes de coffee shops : OldTown en Malaisie, Coffee Company aux Pays-Bas, 120z Coffee Joint en Italie, ainsi que Peet’s aux USA, qui vend aussi à présent du café en emballages variés dans la grande distribution.

On constate au vu des comptes qui ont été publiés pour la première fois à l’occasion de l’introduction en Bourse que JDE Peet’s est très profitable, ce qui n’a rien de surprenant, avec une rentabilité opérationnelle (le résultat avant de payer les intérêts des emprunts et l’impôt sur les bénéfices) de 17% du chiffre d’affaire, ce qui est bien mieux que la moyenne des sociétés, et encore mieux que Starbucks (14%). Et le café est non seulement un métier très rentable, mais un marché en croissance de +4, +5% par au niveau mondial, tiré par la monté de la consommation dans les pays de l’Asie émergente, et la prémiumisation : la montée en gamme grâce aux capsules. Un système que Nestlé a lancé avec Nespresso, et qui devait créer au départ un marché fermé, les machines à expresso grand public Nespresso ne devant fonctionner qu’avec les capsules Nespresso achetées dans les boutiques Nespresso. Mais un environnement “propriétaire” qui est devenu ouvert, car envahi peu à peu par la concurrence de capsules clones, celles de L’Or et des autres, vendues en grandes surfaces, Nestlé ayant perdu tous ses procès pour protéger sa propriété intellectuelle, ce qui peut se comprendre assez bien : c’était bien pensé, mais pas très intellectuel néanmoins.

Voilà pour la chose mais, ceci étant, JDE Peet’s en tant que dossier d’investissement n’a pas que des qualités : a) pour qui aime les bilans légers, la société pourrait mieux faire avec un ratio d’endettement (la dette financière nette due aux banques et autres prêteurs d’argent rapportée aux Fonds Propres, lesquels sont l’argent que les actionnaires ont mis dans la société, bref le fameux levier, toujours pour les fins connaisseurs) de 68% fin 2019, ce qui est un peu beaucoup, qui sera encore de 57% environ après l’augmentation de capital réalisée à l’occasion de l’introduction en Bourse, ce qui est correct, sans plus, mais pas très glorieux pour un métier aussi rentable, alors que b) une fois la société cotée, l’actionnaire minoritaire qui sera entré au capital toujours à cette occasion aura en face de lui un très gros actionnaire majoritaire : JAB, la holding familiale qui a construit JDE Peet’s à coup d’acquisitions ces dernières années, avec plus de 63% du capital, et le marché du titre sera éventuellement assez peu liquide pour cette même raison.

Enfin, Nestlé est en train de contre-attaquer sur le marché des capsules compatibles Nespresso vendues en grande surface, avec des capsules sous marque Starbucks, une licence payée 7 milliards de dollars US fin 2018, et ce n’est sûrement pas une bonne nouvelle pour L’Or Espresso et les autres, et peut freiner encore plus la croissance déjà lente des ventes en Europe.

Mais, pour être juste, ceci est éventuellement compris dans le prix, ce qui n’est pas toujours le cas dans les introductions en Bourse, puisque JDE Peet’s affiche un PER (pour “Price/Earning Ratio” : le rapport cours de Bourse/prévisions de bénéfices par action de ladite société) qui paraît raisonnable eu égard à ceux d’autres valeurs du même secteur.

Pour peu, bien entendu, que ces prévisions de bénéfices, qui sont construites à partir de comptes 2019 et avant, lesquels sont des pro formas puisque le groupe est un assemblage assez récent de sociétés, soient raisonnables.

Ce qui semble être le cas aux yeux des investisseurs, puisque les courtiers en charge de l’introduction en Bourse, qui comprend l’augmentation de capital et la cession de titres détenus par JAB et un autre associé, annoncent avoir déjà reçu des demandes très supérieures à l’offre, et donc trouvé largement preneur pour l’ensemble des actions offertes au public dans l’opération.

Ce qui leur évitera de rappeler leurs clients pour leur asséner le pire argument de vente de la finance de marchés : “dépêchez-vous, il n’y en aura pas pour tout le monde”.

Ce qui est déjà une bonne nouvelle en soi, dans un monde qui en a bien besoin.

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