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Pandémie et pétrole… à quand le rebond ?

Par Brigitte TROQUIER

26/05/2020

Le pétrole concentre tous les ingrédients des cycles économiques.

N’étant certes plus source de choc depuis la crise de 1973, il épouse et amplifie les mouvements qui rythment les évolutions de la croissance dans le temps. Et son caractère de variable géopolitique amplifie un peu plus la dose de volatilité de ses fluctuations.

Cette fois-ci encore, et dans une ampleur inédite, le cours du pétrole s’est ajusté aux conséquences de la crise. Ce dernier a accusé, en quelques jours, une baisse de plus de 40 $ le baril à 16$ le 24 avril dernier, soit une chute de plus de 72% sur le Brent. Plus impressionnante fut la chute du cours du WTI, pétrole léger américain dont la cotation tient compte du coût de la livraison par oléoduc en Oklahoma. La cotation principale de ce pétrole qui compte pour 1/3 du commerce de pétrole est fixée sur un contrat à terme à un mois. La surproduction de pétrole de schiste conjuguée aux capacités de stockage saturées ont mis une pression encore plus forte sur le WTI, qui était devenu plus onéreux à détenir qu’à payer sans livraison, conduisant son cours à -38$. Cet accès de faiblesse excessive tient aussi à l’accumulation d’une production qui n’est plus synchrone avec les nouvelles perspectives économiques. Considérant une élasticité de la demande de pétrole à la croissance de 0,45%, si cette dernière est attendue en retrait de 3,6% en 2020, la demande d’hydrocarbure devrait baisser de 1,6%, soit une baisse de 1,6 Mb/j. Cependant dans le contexte de la mise en sommeil ou au ralenti d’activités très énergivores, la baisse de la demande est de ce fait bien plus importante. Ainsi, les transports, à l’origine de près de 60% de la demande de carburants liquides, ont été paralysés au cours des 3 derniers mois. Le trafic routier, voitures, motos et camions, qui en consomme 44%, a vu son activité refluer dans des proportions allant de 50 à 70% selon les indicateurs (congestion du trafic, pollution de l’air). Du côté du trafic aérien, la chute s’élève à 69%. Quant au trafic maritime, l’OMC estime qu’en 2020 il pourrait évoluer entre 70 et 80% de son niveau de 2019 conduisant à un repli assez proche de la demande de carburant.

L’évolution de la connaissance sur le virus et sa maitrise, les quelques semaines de confinement, et le processus de dé-confinement très progressif conduisent à une évidence : le retour à une situation plus normale sera long et probablement chaotique. Le prix du baril va donc dépendre de la capacité d’adaptation de l’offre et de la demande durant les prochains mois.

  • Du côté de la demande, la baisse s’élève déjà à 5,6 Mb/j au premier trimestre. Elle pourrait atteindre 8,6 Mb/j sur l’année selon l’Agence internationale de l’énergie. Le retour de l’activité industrielle de la Chine sur ces niveaux d’avant le confinement ne compensera pas les pertes dans le commerce, les transports qui resteront encore plusieurs mois sous la tutelle de la menace de la Covid.
  • Du côté de l’offre, les tractations sont tendues. La baisse de 12 Mb/j de la production en mai actée dans le cadre de l’accord de l’OPEP + devrait soulager un peu les cours qui se sont redressés dès l’annonce faite. Mais ces ajustements, qui pourraient se poursuivre paraissent encore insuffisants alors que les stocks accumulés en excès vont devoir progressivement être écoulés sur le marché.

Malgré une reprise progressive attendue sur la seconde partie de l’année, les prévisions sur le cours du Brent ou du WTI restent très prudentes et bien trop basses pour induire la ré-ouverture des puits de pétrole de schiste au Etats Unis. Et si les petits producteurs américains font partie des grands perdants de ce nouvel échiquier pétrolier, les mono-producteurs historiques, Nigeria, Algérie, Vénézuela, ou Indonésie, Egypte dans une moindre mesure, prennent ce choc de plein fouet, mettant à nouveau sous pression leurs finances publiques, leurs équilibres extérieurs. Ce décrochage affectera aussi durablement leur population. Et si quelques gagnants émergent de ce nouvel équilibre, les ménages qui améliorent leur pouvoir d’achat, les entreprises consommatrices qui redressent leurs marges d’exploitation, il n’est pas encore acquis qu’ils puissent en profiter pleinement tant le retour à une activité plus normalisée risque de s’étaler sur plusieurs mois encore. La volatilité, elle, restera de la partie.

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