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A quelle reprise économique peut-on s’attendre ?

Par Sébastien MEOT

16/04/2020

Se pose la question de la sortie de crise sanitaire et économique dans laquelle sont tombés les premiers pays...

Si la pandémie continue de s’étendre dans les derniers pays encore relativement épargnés à ce jour, les situations commencent à se stabiliser dans les premiers foyers épidémiques ; aucun pays à ce jour ne semble épargné par cette crise sanitaire et les réponses des autorités divergent, entre mesures de confinement, dépistages systématiques des populations, autodiscipline de distanciation sociale… En Europe, un espoir semble poindre à l’horizon. Outre-Atlantique, la pandémie est en pleine accélération. Les pays émergents hors Asie semblent également être à l’aube de l’épidémie. Se pose la question de la sortie de crise sanitaire et économique dans lesquelles sont tombés les premiers pays…

Sur le plan sanitaire, s’il n’est pas de notre ressort d’exprimer une opinion quant à la fin de la pandémie, des nouvelles rassurantes – mais qui nécessitent d’être confirmées dans les prochaines semaines – nous parviennent.

Sur le plan économique en revanche, les données publiées ces dernières semaines commencent à montrer la magnitude du choc. Le 6 avril, Bruno Le Maire a estimé que la récession dans laquelle le pays est entré serait la pire depuis la Seconde Guerre Mondiale, dépassant celle de 2009 à -2,2%. Les dernières estimations données par le gouvernement donnent un chiffre de -8% pour le PIB français en 2020. Ce qui caractérisera pour toujours cette récession, à bien des égards, unique, c’est sa soudaineté et son immédiateté de l’arrêt des plus grandes économies de la planète. Les plans de relance monétaires et budgétaires massifs visent à en contrer les conséquences ; d’une part, les Banques Centrales ont rapidement adressé le problème de liquidités des banques, des entreprises et des marchés, allant au-delà de ce qui avait été fait en 2009. D’autre part, les gouvernements adressent le problème de la solvabilité des entreprises, affectées par l’évaporation des chiffres d’affaire et bénéfices, de manière temporaire, en apportant leurs garanties et leurs soutiens. Face à ces réponses, les investisseurs visent désormais à revoir leurs prévisions, après le violent épisode de vente de fin février – début mars. De leur côté, les économistes se chamaillent sur la forme que pourrait prendre la reprise ; entre les optimistes qui y voient un V et les pessimistes qui y voient un L, c’est tout l’alphabet qui y passe !

  • Le scénario qui avait la faveur des spécialistes il y a encore quelque semaines était celui du V, comme en 1998 ou en 2018. Les économies se relèvent tout aussi rapidement, parvenant à rapidement combler la chute. Ce scénario d’une durée de quelques mois seulement, a en sa faveur l’exemple de la Chine. Si la situation fut très rapidement dramatique dans l’Empire du Milieu, il demeure néanmoins que c’est aussi le premier pays à repartir de l’avant après un confinement massif et l’arrêt de son économie. Et si le choc a été brutal, surtout en plein Nouvel An Chinois, on peut s’attendre à un rattrapage conséquent sur les trois derniers trimestres de l’économie chinoise. Suffisant pour contrebalancer un trimestre d’inactivité? L’impact sur le PIB et les profits serait en ce cas neutre. A notre sens, il est toutefois difficile d’envisager ce scénario, pour plusieurs raisons ; quelques éléments tendent à montrer que l’épidémie fut plus grave qu’elle ne l’a été présentée. Qui plus est, l’économie chinoise est, au grand dam de Pékin, si imbriquée dans les chaines de valeurs mondiales que ce ne sont désormais plus les arrêts des usines qui posent problème mais les commandes annulées des importateurs des pays occidentaux, confinés ! Le décalage des mesures de confinement dans les différents pays rend, à notre sens, toute reprise simultanée et rapide inenvisageable.
  • Le second scénario est celui du L comme en 1929-1933 ; une chute brutale de l’activité économique suivi par une phase de stagnation plus ou moins longue. Le virus dans ce scénario continuerait de se répandre à un rythme certes moindre mais nécessitant tout de même des mesures pérennes pour l’endiguer qui affectent durablement la vie économique. Les vacances sont reportées, les dépenses de loisirs baissent, l’épargne de précaution augmente, sans compter le goulot d’étranglement qui se resserre autour des entreprises qui ne peuvent supporter du fait de leurs dettes un arrêt prolongé de l’activité. Cet effet d’entraînement met à mal des pans de l’économie et affecte in fine la demande, impactée par la hausse du chômage. Les effets « domino » sont conséquents, entrainant plusieurs pans de l’économie dans la récession. Toutefois, aujourd’hui, les économies sont aujourd’hui bien différentes de celles du début du XXème siècle ; le secteur bancaire est régulé, plus concentré et mieux capitalisé, les Etats sont plus interventionnistes et moins protectionnistes, les Banques Centrales jouent pleinement leur rôle de stabilisateur, et les marchés financiers ont des contre-poids conséquents, comme le Dollar ou le Bund pour se stabiliser. Nous n’adhérons donc pas à ce scénario, jugeant que les autorités – Gouvernements et Banque Centrales – ont pris la mesure de l’impact de ce facteur exogène et des conséquences qu’il pourrait entrainer. Les mesures prises par les pouvoirs publics sont, à notre sens, bien trop massives et trop rapidement mises en place pour être inefficaces.
  • Le troisième scénario est celui du U, comme en 1987, 2002-2003 ou 2008-2009 ; le creux conjoncturel dure plus longtemps que prévu ; par précaution, les mesures de confinement ne sont levées que progressivement, empêchant une reprise simultanée de tous les pans de l’économie. Les travailleurs ne retournent que par vague au bureau, sans compter les personnes ayant perdu leurs emplois ou dont l’entreprise n’a pas survécu, celles qui doivent encore s’occuper de leurs enfants dont l’école n’a pas repris, celles à risque… Les entreprises, selon les secteurs, connaissent des fortunes diverses et variées qui s’étalent dans le temps, affaiblissant la croissance sur plusieurs trimestres. Néanmoins, les mesures prises par les pouvoirs publics se diffusent progressivement à l’économie et gagnent en traction au fur et à mesure que la pandémie perd du terrain. C’est sans aucun doute le scénario que nous privilégions aujourd’hui ; le choc est déjà annoncé important, les économies sont légèrement décalées (Chine en tête, Corée du Sud, Italie, Espagne, France, Allemagne en suivant, les Etats-Unis qui voient toujours le nombre de nouveaux cas exploser, les émergents hors Asie, etc.), empêchant une reprise globale, par des chocs de demande suivant des chocs d’offre. Les gouvernements danois et autrichien ont déjà annoncé une sortie progressive du confinement ; région par région, commerce par commerce, bref, étape par étape ce qui devrait empêcher une réaccélération immédiate de l’économie.
  • Le scénario du W, comme en 2011, est également peu enviable. Après des statistiques sanitaires encourageantes, certaines populations relâchent leurs efforts et une 2ème vague de contamination se produit. De nouvelles mesures de confinement – moins sévères – doivent être mises en place, avec un effet négatif sur l’économie, avant qu’une activité plus « normale » puisse enfin reprendre. La récession se prolongerait plus longtemps et un certain nombre d’entreprises pourraient ne pas y survivre. Pas inenvisageable, ce scénario suppose néanmoins que le confinement soit considéré comme la seule mesure efficace. Quid, par exemple, du port systématique du masque ou des applications de ‘traçage’ sur smartphone, moins contraignantes pour l’économie ? Sans parler d’un éventuel médicament voire d’un vaccin…

Si dans l’Histoire, les pandémies étaient suivies de longues périodes de croissance faible, de taux d’intérêt très bas et d’une hausse de l’épargne de précaution, c’était principalement car les secteurs primaire et secondaire faisaient l’essentiel de la croissance. L’espérance de vie, plus courte, affectait également plus les personnes susceptibles de travailler, ce qui, statistiquement, tend à être différent cette fois-ci. A ce stade, et du fait de l’évolution de la propagation du virus et des réponses des Gouvernements et Banques Centrales, nous privilégions le scénario en U. Les Banques Centrales ont adressé le problème de liquidité des marchés financiers et bancaires, tuant dans l’œuf toute tentative de stresser les entreprises les plus fragiles. Elles ont libéré de leurs contraintes bilancielles les banques. Elles ont également accru leur collaboration en mettant en place des lignes de swap en Dollar entre elles afin de garantir une liquidité à l’échelle mondiale. Les gouvernements ont adressé le problème de la solvabilité des entreprises en se portant garants de leurs dettes à moyen terme et en leur permettant une flexibilité opérationnelle rapide jamais vu, sans surcoût, et presque sans contraintes. Le virus continue certes de se propager mais son rythme de propagation commence à décroître.

Il convient toutefois de nuancer notre propos qui repose sur l’hypothèse la plus urgente à ce jour ; que la crise sanitaire soit maîtrisée à court terme.

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